dimanche 11 mars 2018

Une soirée thématique sur le harcèlement illustrée par le téléfilm "Harcelée" sur France 2


Si l'idée de France Télévisions associée pour l'occasion à France Inter de consacrer, le 10 octobre dernier, une soirée au douloureux sujet du harcèlement au travail était légitime, le choix de ce téléfilm pour illustrer le thème est plus contestable.
En effet, si la qualité des acteurs concède de se laisser entraîner dans l'histoire, le phénomène de maltraitance qui nous est ici narré procède bien plus de l'attitude d'un dangereux psychopathe que de l'enchaînement pernicieux qui s'instaure malheureusement trop souvent en entreprise entre une victime et un tortionnaire d'une banale "normalité", que ses exactions soient à caractère sexuel ou non.

# 01 Un contexte professionnel étrange
Certes, nous y retrouvons certains des mécanismes insidieux qui accompagnent la lente descente aux enfers de la "proie", mais, sans mettre totalement en cause le réalisme du scénario, certains facteurs l'alourdissent sans rien apporter au réalisme des situations, bien au contraire. 
C'est par exemple le contexte puisque, si le fait que Karine (Armelle Deutsch) souhaite reprendre le travail après 3 ans de congé parental, est plausible, la suite des événements réside en un empilement de faits qui n'apporte rien à l'intrigue, bien au contraire.
Si les collègues de  Karine se montrent peu accueillants envers elle, on peut penser qu'ils se méfient de cette "protégée" de leur tyran de patron. Soit. Plus surprenant, ils se révèlent particulièrement cyniques entre eux. A l'occasion d'un départ en retraite, par exemple, où le récipiendaire qui déteste le fromage se voit offrir ... un service à fromage.
Le attitudes de Karine, ensuite, sont le pour moins curieuses ; elle adopte des positions pour le moins peu académiques et ne rechigne pas à se déchausser sous le regard de son nouveau boss, ce qui n'a certes rien de provocant et aurait constitué une facilité dans le cadre d'une affaire de harcèlement. 



# 02 Une intrigue pesante
C'est alors que le processus de maltraitance psychologique s'engage. A l'occasion du départ en retraite de ce collègue, Antoine (Thibaut de Montalembert), le despote, rejoint Karine dans les toilettes, et "s'attaque" à la jeune femme, qui curieusement, ne semble pas résister ; une faiblesse que l'on peut mettre sur le compte de l'alcool qu'a consommé Karine. Elle réussit à s'esquiver. Les jours suivants, et contre attente, son manager lui confie une importante mission sous la forme d'une étude à réaliser, ce qui pourrait l'incliner logiquement à baisser la garde, bien que, dans le même temps, à la demande d'Antoine, elle s'avilisse en lui apportant un café devant une partie de ses collègues.  Elle est ensuite conviée à un déjeuner d'affaires. Cependant, une fois arrivée au  restaurant, elle constate qu'aucun client n'est présent et que c'est un tête à tête avec son "prédateur" qui l'attend. Après quelques allusions, celui-ci joue l'apaisement et s'excuse pour son comportement de "l'autre soir". Elle lui exprime son pardon tout en lui touchant la main, ce qui le fait entrer dans une crise de rage : il devient agressif, la traite d'allumeuse. Il lui retira finalement le dossier qu'il lui avait délégué, elle deviendra stressée puis hystérique, puis elle se verra offrir un C.D.I. pour lequel elle hésitera car son mari est lui même sur le point d'être licencié.


#03 Des personnages marqués à l'excès
De tous les personnages de cette fiction télévisée, le plus crédible est  certainement Karine : naturelle à la limite de la naïveté, humaine, et motivée dans son nouveau job. Face au harcèlement dont elle est victime, elle adoptera une attitude caractéristique de ce genre de situation, mêlée d'incompréhension, de peur et même de culpabilité. Une conséquence plutôt classique de ce cas de figure et qui sera en l’occurrence un des rares points pragmatique de ce téléfilm. Ce sont plutôt les seconds rôles qui appesantissent "Harcelée" sans rien apporter à son réalisme. En effet, pourquoi avoir "inventé" à Karine une fille anorexique, dont le père refuse d'intégrer la maladie, et pourquoi instaurer, par l'intermédiaire de cette adolescente, une relation entre les deux familles ? Il semble difficile de concevoir que le harceleur fasse son oeuvre tout en ayant une proximité avec le mari et la fille de Karine. Il semble curieux que, par exemple, les deux principaux protagonistes se vouvoient alors qu'ils se fréquentent en en dehors du travail, avec leurs familles respectives. Et enfin, le manichéisme d'Antoine, qui instrumentalise la fille de Karine en lui offrant un bijou, procède davantage du jeu d'un dangereux psychopathe que du lent processus inconscient d'un individu normal tel qu'on en rencontre quotidiennement en entreprise.

Voir l'article de Télérama du 04/10/2017