jeudi 29 décembre 2016

L'addiction aux jeux électroniques au travail dans "Fantaisie Héroïque" une chanson de Juliette .

L'allusion est fugace et ne sert finalement que l'intérêt de sa chanson en lui offrant un dénouement inattendu, et ne traite aucunement des comportements addictifs au travail, en l’occurrence le jeu sur ordinateur. Juliette, puisqu'il s'agit d'elle, auteure, compositeur et interprète, elle même fan de "gaming", dans Fantaisie Héroïque, un titre de son album "Mutatis Mutandis (2005) se lance dans une suite d'aventures où elle endosse les habits de "l'aventurière qui doit sauver le monde", et combat aux côtés d'Ad'arana la blonde, fille d'elfe et guerrière, et de "Gaëlan demi orque, au trois quart magicien". Pour finir par être réveillée par la D.R.H. qui lui promet un licenciement sur le champ si elle continue à se perdre dans ses jeux électroniques !

Source documentaire : Management - Arts et Métiers (David ABIKER) - Octobre 2016


mercredi 28 décembre 2016

Une distinction pour le livre d'entreprise : "Le prix du roman d'entreprise et du travail"

Organisé par Place de la médiation et Technologia le Prix du roman d’entreprise et du travail consacre depuis 2009 un romancier pour "ses qualités littéraires et la lucidité de son regard sur le monde du travail". Pour 2017, le comité de sélection a retenu les œuvres suivantes :
Avec vue sur la mer de Slimane KADER
Lauréat du prix en 2016

  • Je vais m’y mettre, de Florent Oiseau (Allary Editions)
  • Brillante, de Stéphanie Dupays (Mercure de France)
  • Déserteur, de Boris Bergmann (Calmann-Lévy)
  • Du pin et des larmes, de Philippe Mediavilla (Editions Cairn)
  • Le grand marin, de Catherine Poulain (Editions de L’Olivier)
  • Police, de Hugo Boris (Grasset)
  • Chanson douce, de Leïla Slimani (Gallimard)
  • Les visages pâles, de Solange Bied-Charreton (Stock)
  • Le cri, de Thierry Vila (Grasset)
  • La grande arche, Laurence Cossé (Gallimard)
  • Désolée, je suis attendue, de Agnès Martin-Lugand (Michel Lafon)
  • La correction, de Elodie Llorca (Rivages)
Une dotation est accordée à l'auteur primé, depuis 2012, et le Prix bénéficie du soutien de la mutuelle UMC et est sponsorisé depuis 2014 par le cercle des DRH européens.

Pour retrouver l'historique de ce prix, voir l'article sur Wikipédia qui lui est consacré.


lundi 31 octobre 2016

Ma vie de stagiaire en Bandes Dessinées : "Moi, 20 ans, diplômée, motivée... exploitée !" de Yatuu


Ce n'est pas tout à fait une fiction puisque Yatuu alias Cyndi Barbero  raconte dans cet album, son expérience de stagiaire dans une agence de publicité à l'âge de 20 ans, en 2009.

Elle a commencé par raconter sa douloureuse expérience dans un blog, sous forme de saynètes dessinées, avec une bonne dose d'humour et un tel talent que Glénat, l'excellent éditeur dédié aux bulles et autres phylactères, a décidé de publier son aventure : "Moi, 20 ans, diplômée, motivée... exploitée !".


mardi 2 août 2016

Une thanatopractrice aux Etats-Unis dans le roman "L'enfant sans nom" de Amy MacKinnon (2008)

Ce roman policier écrit par Amy MacKinnon a pour personnage principal une thanatopractrice, Clara Marsh, qui enquêtera sur des crimes d’enfant. Une occasion de découvrir de l’intérieur ce métier, sans que l’on sache si les pratiques professionnelles relatées dans "L'enfant sans nom" sont proches de la réalité et propres aux Etats-Unis.

L'enfant sans nom
#01 L’embaumement des corps
Le roman commence d’emblée par la description détaillée du travail de Clara, méthodique et précis : « Je plonge le pouce entre les lèvres de l’incision, puis j’enfonce mon index dans la profondeur du cou. A l’inverse des autres vaisseaux, qui offrent juste une vague résistance, la carotide ne se laisse pas faire. Bien attaché entre le cœur et la tête, ce tube solide est souvent alourdi par des années de plaque d’athérome, qui renforce sa volonté de rester en place. Surtout quand la rigidité cadavérique est déjà bien avancée, comme chez cette vieille femme ». S’ensuit un long passage, qui explique pourquoi cette partie de son travail rappelle à Clara la mort prématurée de sa propre mère, sans que l’on sache si cette disparition, qui l’a beaucoup affectée, ait déterminé le choix de son métier. La description reprend, toujours aussi précise, mettant en exergue l’expérience de la jeune femme : « Mes doigts saisissent la carotide dans le cou de la vieille dame, et la tirent à travers la chair. Sur mes gants talqués, ses tissus semblent plus gris qu’ils ne le sont en réalité. C’est le cancer : il suce la couleur du corps des gens comme il suce leur vie, laissant cette artère, autrefois vitale, cendreuse. Je reprends mon scalpel, incise la carotide pour la vider, puis mon attention se tourne vers ce qui fut autrefois une cuisse charnue. Je masse la peau flasque avant d’introduire la seringue dans l’artère fémorale. Le formaldéhyde rose vif lui redonnera un peu de couleur. Les joues caves ont elles aussi besoin d’être regonflées, alors je prépare les autres seringues. En jetant un coup d’œil à la photo que son fils m’a donnée, à présent accrochée au tableau, je commence à réfléchir à la manière dont je vais sculpter son visage. Cela réconfortera les siens de retrouver la femme qu’elle était avant que le cancer ne la dévore. Tandis que le sang s’écoule, remplacé par les fluides d’embaumement, je lui suture la bouche ».
Le récit continue sur un rituel qu’effectue Clara et à laquelle elle associe une réflexion qui permet à l’auteur d’introduire un second personnage, en l’occurrence Linus, le patron de l’agence de pompes funèbres dans laquelle elle est employée. Clara précise que « Comme dans toutes les professions, la mienne a sa routine. C’est au cours de cet interlude, pendant que le sang se vide, avant le début de la toilette, que je procède à cette espèce de rituel ». Plus loin, elle apporte un élément sur la législation en vigueur aux Etats-Unis à moins qu’elle ne soit spécifique à la Nouvelle Angleterre ou à l’Etat de cette région où se situe l’intrigue : « Je préférerais utiliser un gant tiède et de l’eau savonneuse, comme une mère accueille son nouveau-né au début de sa vie, mais la loi exige que je me serve d’un antiseptique précis et d’éponges jetables pour cette dernière toilette ». Tout en donnant de précieuses indications sur les conditions de travail des thanatopracteurs : « L’évacuation du sang et l’odeur de décomposition rendent le processus difficile… ».
C’est alors une opération impressionnante qu'enchaîne Clara qui, après changé ses gants et enfilé un masque de coton, « formalités stériles en cet instant des plus intimes », prend « le trocart accroché au mur », puis « insère l’instrument dans la petite incision de l’abdomen, juste au-dessus du nombril, puis lance l’aspiration ». Non sans ajouter un commentaire qui donne toute sa teneur à cette tâche : « Il est important pour l’esthétique de la veillée que tous les fluides corporels et les organes mous soient retirés ». Une partie de la suite du chapitre sera consacré à des opérations esthétiques avec un nouveau lavage de la défunte, son habillage et son coiffage, puis son maquillage.
Amy Mackinnon

#02 Les autres fonctions liées au métier
Au détour des autres chapitres de ce polar américain, Clara assure d’autres tâches. Elle doit par exemple procéder à l’enlèvement d’un corps retrouvé sans vie dans un appartement. C’est un travail extrêmement physique, en raison du poids du cadavre, et curieusement, c’est seule qu’elle s’y rendra et devra compter sur l’assistance d’un policier pour manipuler le brancard. Elle aura au préalable  analysé la situation pour envisager au mieux le basculement du lourd corps afin de l’insérer dans la housse mortuaire. Elle aura pris soin de se munir d’un pot de Vicks Vaporub pour masquer les odeurs fortes voire insupportables, et aura veillé à clore les paupières du défunt.
De retour au funérarium, elle poursuivra son travail de maquillage, puis elle accueillera les familles éplorées, sans aller jusqu’à prononcer un genre d’homélie comme le fait habituellement son patron Linus. Elle devra aussi se rendre au cimetière pour vérifier si une tombe est creusée convenablement. A cette occasion, nous apprendrons qu’en Nouvelle Angleterre, en raison des conditions rigoureuses de l’hiver, la terre est si dure que les corps seraient conservés jusq'au printemps, ce qui parait surprenant.


Un exemple de trocart (Wikipedia)
#03 Les outils du thanatopracteur
Au titre de sa fonction, et pour les opération sur le terrain, Clara conduit le fourgon de l’entreprise de pompes funèbres, elle manipule le brancard et la housse mortuaire. Dans les sous-sols du funérarium, elle se sert d’une table de travail en acier inoxydable « inclinée de manière à faciliter le drainage des fluides », peut-être semblable à une table d’opération, une impression renforcée par les types d’outils que la thanatopractrice emploie et qui sont utilisés au quotidien par les chirurgiens : le scalpel, le trocart qui est un impressionnant instrument destiné à aspirer les fluides, le masque, et même un nécessaire pour suturer la bouche des « patients ». Le corps est ensuite embaumé grâce du formaldéhyde, plus communément appelé formol.
Le lavage est réalisé à l’aide d’un antiseptique et d’éponges jetables. Pour la partie coiffage Clara fera logiquement usage de ciseaux, de bigoudis, de cire coiffante d’un sèche-cheveux et de laque, et pour le maquillage, de fond de teint, de blush et d’un peu de rouge à lèvre tangerine « trouvé sur la commode de la défunte ».

mercredi 27 juillet 2016

Un représentant de commerce en produits pharmaceutiques dans les années 50 : « Le bigame » de Luciano Emmer (1956).

Dans cette comédie de 1956 de Luciano Emmer, Marcello Mastroianni interprète le rôle de Mario De Santis, un représentant de commerce pour une marque de dentifrices. Il sera accusé de bigamie et incarcéré, avec pour conséquence, le risque de perdre sa fiancée. Il se sortira de cette situation après moultes péripéties, avec le concours d’un avocat fantasque, « l'onorevole Principe » sous les traits d'un impayable Vittorio de Sica.
C’est essentiellement au début de ce film que l’on peut voir Mario dans sa fonction de représentant, assurant la tournée de ses clients, dans une attitude caricaturale, mais peut-être pas aussi lointaine de la réalité de l’époque. Séducteur, il use sans cesse de ses charmes pour convaincre les jeunes femmes travaillant dans les pharmacies de commander son Colodont anti caries, au désespoir des pharmaciens qui n’arrivent pas à écouler leurs stocks pléthoriques. Une démarche à la limite de l’arnaque, qui ne laissera pas une fois de plus une image glorieuse des métiers de la vente. Et ce n’est pas la surprenante  voiture en forme de tube de dentifrice de notre commercial qui donnera envie d’épouser … la profession de ce bigame !
Pour aller plus loin :

dimanche 12 juin 2016

La fonction Ressources Humaines égratignée dans la chanson "D.R.H." d'Anaïs (2014).

Adepte de la parodie et de "la chanson incarnée" (wikipedia), la chanteuse Anaïs s'est essayée en 2014 à une critique en règle du Directeur des Ressources Humaines. Les paroles de ce titre avaient à l'époque, provoqué de nombreuses réactions à charge et à décharge. Sur bien des points, on ne peut que lui donner raison, au grand regret de ces spécialistes des Ressources Humaines qui ambitionnent de développer de la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, mais qui doivent effectivement plutôt répondre à des objectifs de mise en adéquation des effectifs avec les impératifs de production, en encaissant les effets de la mondialisation. En conséquence, donc, " ils appliquent à la lettre des ordres venus d'ailleurs" mais leur reprocher de "brasser de l'air" ou de jouer avec "la hache de guerre" est certainement bien plus discutable.
Chacun pourra se faire une opinion ou participer au débat en consultant par exemple, les sites suivants :
Pour consulter l'intégralité du texte de la chanson : DRH sur Paroles.net


















mardi 7 juin 2016

La livraison des repas aux employés en Inde dans le film "The Lunchbox" (2013)

The Lunch Box est un film surprenant. Ni dans sa réalisation, ni dans sa trame, si ce n’est qu’elle narre la correspondance entre une jeune hindoue que son mari délaisse, avec un employé administratif, chrétien, sur le point de partir à la retraite, et qui doit être remplacé par un collègue, musulman, qu’il a du mal à supporter.
Au-delà des différences religieuses et culturelles des trois protagonistes, ce que nous enseigne le film de Ritesh Batra, c’est une pratique totalement inattendue. En effet, chaque jour à Bombay, ce sont environ 200 000 gamelles (dabba) qui sont préparées à la maison par les épouses ou même par des restaurateurs pour les célibataires et livrées par tous les moyens de transports imaginables par les dabbawallahs aux employés de bureau sur leur lieu de travail. C’est à la suite d’une méprise dans la livraison du repas de son époux que Ila Singh, une jeune femme au foyer commencera une relation épistolaire avec  Saajan Fernandes, sous forme de petits mots joints à la gamelle qu’elle prépare chaque jour.
Sur le contexte professionnel, on peut noter que, à quelques détails près, l’entreprise indienne est peu différente de nos administrations européennes : les employés y occupent un open-space où les bureaux sont disposés en ligne, tous tournés dans la même direction. Et quand les résultats ne sont pas à la hauteur des objectifs, le « chef » vous reçoit dans son bureau pour une remontée de bretelles en règle. Mais heureusement, se retrouver seul dans le réfectoire à l’heure du déjeuner pour déguster le repas amoureusement concocté par une jeune femme et livré par le dabbawallah, apporte tout le réconfort possible …
Un dabbawallah


lundi 11 avril 2016

Un débat sur "Le monde du travail au théâtre" dans le cadre de "La Grandes escale des tréteaux" le 19 juin 2016.

Dans le cadre du festival théâtral "La Grande escale des Tréteaux" qui se tiendra du 26 mai au 2 juillet 2016 au Théâtre de l’Épée de Bois - Cartoucherie (Paris 12e), Les Tréteaux de France, une compagnie dirigée par Robin Renucci, propose un débat sur :

 "Les représentations du monde du travail dans la création théâtrale d'aujourd’hui".

Il se tiendra le dimanche 19 juin à 16 h avec la participation de Guy Alloucherie - Alexandra Badea - Dominique MédaChristophe Moyer -Joël Pommerat et, sous réserves, Robin Renucci, et devrait être animé par Sylvie Martin-Lahmani d’Alternatives Théâtrales (Belgique, sous réserve).

Une information transmise par l'excellent blog Théâtre & Monde du Travail.

Le communiqué des Tréteaux de France à retrouver sur le site de la compagnie :
Depuis longtemps le théâtre s’intéresse au Travail comme source d’inspiration. Mais à l’heure où le modèle mondialisé montre des signes de profondes mutations, le théâtre peut-il contribuer à promouvoir de nouvelles formes de travail? Avec les artistes et penseurs invités, les Tréteaux de France souhaitent réfléchir à la création artistique comme force de renouvellement et aux possibles vertus de l’intermittence en tant que modèle d’organisation du travail.

samedi 9 avril 2016

Au cœur d’une imprimerie et d’une blanchisserie dans « Le crime de Monsieur Lange » de Jean Renoir (1936)

Le crime de Monsieur Lange c’est avant tout un drame, qui finira donc tragiquement, du moins pour l’un des personnages de cette fiction de Jean Renoir de 1936. C’est aussi la vie quotidienne d’une arrière-cour parisienne située au milieu d’immeubles occupés par des entreprises, au rez de chaussée, ou par des locataires dont certains, d’ailleurs, travaillent dans la blanchisserie ou la maison d’édition où se déroulera l’essentiel de l’action. Nous ne nous attarderons pas plus longtemps sur cette trame qui verra un employé modèle, auteur de romans d’aventures à ses heures, assassiner un patron machiavélique, séducteur, manipulateur, magistralement interprété par Jules Berry, qui spoliera tour à tour ses salariés, ses fournisseurs et qui ira jusqu’à usurper l’identité d’un prêtre mort au cours d’un accident ferroviaire dont lui-même, alors en fuite, réchappera.
Car Le crime de Monsieur Lange c’est surtout l’atmosphère des ateliers d’imprimerie ou des bureaux de l’éditeur puisqu’à l’époque les deux fonctions sont cumulées, où les ouvriers ou employés évoluent dans un esprit de franche camaraderie qui les conduira à créer une coopérative, l’ancêtre des SCOP, dans un climat qui fleure bon le Front Populaire.
C’est le même esprit qui prévaut au sein de l’atelier voisin des blanchisseuses, les jeunes femmes semblent heureuses de leur sort, évoluant au milieu du linge tout en bavardant et jonglant avec les fers en fonte qu’elles approchent de leur joue pour en vérifier la température.
Ce n’est pas un hasard si ce film coïncide avec le début de la collaboration du maître avec le Parti Communiste Français dont l’un des points culminants sera la réalisation de La bête humaine en 1938, comme l’explique Antoine Rensonnet dans son excellent blog De son coeur le vampire.

Pour aller plus loin : un extrait du film ... sous titré en espagnol !



samedi 19 mars 2016

Le licenciement dans un tube du chanteur italien Luciano Ligabue : Non ho che te (2015)

Notre Schmoll national avait décrit avec une grande justesse le désarroi vécu par un cadre victime de la perte de son emploi, (voir notre article : Les effets de la crise économique dans les années 1970 : "Il ne rentre pas ce soir", une chanson d'Eddy Mitchell). Le ton en est si juste que, récemment, au cours d’une émission diffusée sur France 3 consacrée à son compère (Eddy Mitchell Itinéraires), Jacques Dutronc déclarait qu’Eddy Mitchell n’avait pas besoin de pousser sa voix pour interpréter cette chanson. Un titre qui exprime aussi le sentiment d’inutilité frappant un homme dans une société misogyne où le « mâle » a depuis toujours pourvu aux besoins du foyer. Dans un pays tout aussi teinté de machisme que le nôtre, l’Italie, c’est le chanteur très populaire LucianoLigabue qui communique avec autant de force et d’acuité la détresse subie par un homme dans la force de l’âge à qui l’on annonce du jour au lendemain, qu’il a perdu son travail : hanno detto avete perso il posto (di lavoro). Si ce salarié qualifiait son job d’infect (infame), il le respectait néanmoins, l’ayant toujours appelé « son travail » (l’ho chiamato sempre il mio lavoro), et s’il fait un parallèle avec l’enfer, c’est bien au moment de son licenciement qu’il plonge dans l’abîme.
Il ne manque pas d’évoquer quelques éléments pragmatiques, liés à son âge ou à des considérations financières : l’âge de départ à la retraite qui augmente (ci han spostato sempre un po più avanti la pensione) et la banque, où « ils sont gentils mais ne veulent rien donner … la même gentillesse que le serpent » (in banca son gentili ma non mi danno niente la stessa gentilezza del serpente). Et les jours passent, interminables (i giorni sono lunghi, non vogliono finire), pendant que le syndicat appelle à une nouvelle mobilisation pour ceux qui restent (il sindacato chiede un’altra mobilitazione per quelli che ci sono ancora dentro). Et puis, sans que ce soit  une consolation, le patron ne semble pas être au mieux : les yeux gonflés, la chemise froissée, quand il rencontre son ancien salarié, il détourne le regard, les yeux vides, la barbe négligée (ho visto il titolare aveva gli occhi gonfi, la giacca da stirare mi ha visto, si è girato, stava male aveva gli occhi vuoti, la barba da rifare).
Comme dans la chanson d’Eddy Mitchell, le plus pénible, c’est  l’impression d’inutilité, le sentiment de culpabilité exprimé par un refrain scandé à l’adresse de la compagne de ce « disoccupato » : je te demande pardon si je t’offre aussi peu (ti chiedo scusa se ti offro così poco), je te demande pardon si je ne te donnerai pas assez, je te demande pardon si je te demanderai de la patience (ti chiedo scusa se non ti darò abbastanza ti chiedo scusa se ti chiederò pazienza). Un refrain qui finit par une imprécation afin de ne pas être abandonné, qui donne son titre à la chanson du rocker transalpin : je n’ai que toi, je n’ai que toi (non ho che te).
Tout autant que « Il ne rentre pas ce soir », la musqiue de « non ho che te » n’a rien d’un blues mais bénéficie d’un rythme enlevé qui renforce le réalisme d’un texte dont la mise en image du clip est particulièrement bien adaptée.

Pour aller plus loin : le texte intégral de la chanson


dimanche 21 février 2016

Mondialisation, logistique portuaire et une femme de ménage dans "Ma part du gâteau" un film de Cédric Klapisch (2011)

Cédric Klapisch a-t-il été trop ambitieux ou ne voulait-il simplement pas réaliser une véritable comédie sociale avec cette "Ma part du gâteau", son film de 2011 ? Alors que les ingrédients semblaient être réunis, le résultat est un mélange entre une critique de la mondialisation et de ses effets dévastateurs, une chronique de la lutte des classes au sein d'une entreprise du nord de la France, et une histoire d'amour qui serait banale si elle ne s'instillait entre deux personnes qui n'auraient jamais dû se rencontrer.
France, le personnage principal, personnifiée par une remarquable Karin Viard, est une mère courage qui élève seule ses trois filles, et qui doit aller travailler à Paris, suite à son licenciement provoqué par les affreuses spéculations de traders basés à Londres. Elle était jusqu'alors salariée dans une entreprise qui gère des containers, à Dunkerque, et se fait embaucher comme femme de ménage particulière chez Stéphane (Gilles Lellouche), justement  l'un des requins de la finance responsables de sa situation. Elle s'en rendra compte, après avoir eu une relation avec lui, favorisée par la proximité qu'elle développe avec son fils dont il ignorait pratiquement jusqu'à présent l'existence . S'apercevant qu'elle a été trahie par Stéphane, qui n'a aucun sentiment pour elle, et qu'il est à l'origine de la casse occasionnée dans son entreprise, elle le fera venir à Dunkerque après avoir kidnappé son enfant, et le "dénoncera" à ses anciens collègues. Le film s'achève alors qu'elle est emmenée par les gendarmes, le sentiment d'injustice n'en est que plus fort, tandis que lui même s'enfuit, poursuivi par les ouvriers de l'entreprise dont il a scellé le sort par ses spéculations.
Sur le monde du travail, si Cédric Klapisch nous montre un peu le monde des salles de marché et sa tension palpable, il nous dévoile à peine l'univers portuaire et la manipulation des containers, est esquisse tout au plus la lutte syndical pour la défense des emplois. Au  registre du métier de femme de ménage, les scènes sont elle aussi limitées, puisque France travaille seule au domicile du trader, où elle repasse, passe l'aspirateur, s'occupe de son fils ou, exceptionnellement, assure le service lors d'une réception organisée par Stéphane dans son luxueux appartement.

mercredi 10 février 2016

L'exploitation de carrières dans les îles Éoliennes dans "Vulcano" un film de William Dieterlé (1950).

La genèse de Vulcano est déjà à elle seule toute une histoire, intimement liée à celle du maître Rossellini, et de l’actrice Anna Magnani comme l’explique Telerama dans cet article. C’est la grandissime tragédienne que l’on trouve dans le rôle principal de ce drame réalisé en 1949 par William Dieterle qui raconte le retour d’une femme sur son île natale, assignée à résidence après s’être prostituée sur le continent, et qui souffrira de l’hostilité de la population. Magdalenna luttera pour éviter que sa jeune sœur, Maria, ne subisse le même sort qu'elle et ne tombe dans les griffes d’un souteneur.
Elle cherchera à subsister en travaillant, à cette occasion nous pourrons observer le travail dans une mine. Si un dialogue dans le film fait allusion au ramassage de pierres ponces, il s’agit plus vraisemblablement ici d’une carrière de souffre, ce qui  semble logique en raison du caractère volcanique de l’ile. Cet environnement peut être rapproché des images d’un autre film, "Fils de personne", qui lui se déroule dans une exploitation de marbre dans la région de Carrare.

Dans Vulcano, les scènes qui se déroulent dans la carrière montrent les hommes, positionnés au sommet de la montagne, qui à l'aide d'un pic, font tomber la poussière de roche ou le sable que les femmes chargent dans des wagonnets dont le contenu est ensuite vidé dans le précipice qui domine la mer. Les conditions de travail sont pénibles, accentuées par le soleil brûlant, la pause déjeuner est donc la  bienvenue. Elle est annoncée par le chef de chantier qui la sonne à l’aide d’un gros coquillage qui fait office d’olifant. Les ouvrières vont alors récupérer les panier-repas qu’elles ont apportés le matin, tandis que leurs collègues masculins dévalent la pente de la montagne en glissant harmonieusement sur leurs deux pieds, tels des skieurs, changeant de direction ou se freinant en plantant élégamment derrière eux leur outil.

samedi 30 janvier 2016

Le mal de vivre d'un cadre du marketing dans une chanson des années 70 : "Ce lundi-là" de Michel Delpech (1976)


C’est malheureusement sa disparition qui a fait ressortir ce titre de 1976 de Michel Delpech, davantage connu pour ses bluettes et ses succès populaires, comme « Chez Laurette », « Pour un flirt » ou encore « Le Loir et Cher ». Il avait certes donné un aperçu de ses capacités d’interprète réaliste, avec par exemple « Les divorcés », mais qui se souvenait de cette chanson dans laquelle il exprime le mal de vivre d’un cadre d’une entreprise qui décide, un matin, de tout plaquer ?
Dans « Ce lundi-là », il raconte le blues de Jean-Pierre, certainement un cadre, qui décide de tout laisser et de ne pas se rendre au bureau, ni de rentrer chez lui. Frappé par ce qui toucherait aujourd’hui plutôt les quadragénaires ou les quinquagénaires en quête de sens, il travaille « au marketing », ce qui est certainement encore peu courant dans les années 70. Mais il n’a plus goût à cette vie où la  seule motivation est «  d'avoir un jour un compte en Suisse ». Il a l’impression de « vivre déjà comme un vieux », avec la perspective insupportable que ses enfants «  lui ressembleraient de plus en plus ».
Comme dans "Il ne rentre pas ce soir",  la chanson d’Eddy Mitchell, qui évoque le cas d’un licenciement, on ne sait pas ce qu’il adviendra du personnage que ses collègues attendront en vain pour le déjeuner. Le contexte reste cependant le même, celui de la crise économique, mais dans la chanson de Michel Delpech nous voyons un salarié victime de stress qui tient grâce à une prise de tranquillisants, des « saloperies pour arriver à s'endormir », qui a perdu toute motivation dans son travail. Sa vie personnelle ne lui apporte plus non plus le bonheur du début, quand Michelle, son épouse,  « lui téléphonait trois fois par jour à son travail », partageant ainsi une « vraie complicité ». A l’époque, « la vie n'était jamais sérieuse » c’était « une de ses périodes heureuses qui ne se retrouvent pas ».

Voilà pourquoi, ce lundi-là.........il s' en allait ...

Pour aller plus loin :

samedi 23 janvier 2016

Monsieur Hulot dans l’industrie plasturgique : « Mon oncle », un film de Jacques Tati (1958)

En critique avisé de l’époque moderne voir moderniste au travers du regard ingénu et poétique de son personnage récurrent, M. Hulot, Jacques Tati ne pouvait faire l’économie d’une satire de l’entreprise industrielle du 20ème siècle. Dans « Mon oncle », son film de 1958, il s’attache à railler la société de consommation dont son héros à l’imperméable caractéristique est très éloigné, par la description d’une de ces familles résidant dans une de ces habitations futuristes que l’on nous prédisait à l’époque. Cette maison, située dans la banlieue parisienne est tenue par la sœur de Hulot, Mme Arpel, qui passe ses journées à jouer avec les tout nouveaux appareils électroniques qui lui jouent parfois des tours, ou qui effraient Georgette, la bonne. Elle refusera ainsi de passer devant des capteurs qui doivent libérer ses employeurs bloqués dans le garage après que la porte automatique se soit refermée à cause du passage du chien de la famille.
Le chef de famille, M. Arpel est directeur d’une entreprise de fabrication de tuyaux en plastique, la Plastac. Le site de fabrication qui se trouve visiblement dans l’une de ces nouvelles zones industrielles de la périphérie, produit 40 000 m de tube par mois, une production en continu, matérialisée par un long serpent que portent sur l’épaule les ouvriers qui déambulent dans les couloirs ou à l’extérieur des bâtiments.
Le couple vit dans l’illusion du bonheur ostentatoire, exhibant sa richesse et ses nouvelles acquisitions à son voisinage, ses relations professionnelles ou à sa famille et ne comprenant pas que M. Hulot se complaise dans une vie faite de bonheurs simples et authentiques qui ravissent son neveu, ce qui pourrait devenir subversif. Ils tentent donc de le faire embaucher au sein de la Plastac comme opérateur de fabrication. Ce sera un échec puisque le grand échalas ne réussira pas à s’adapter aux exigences de la chaîne de production, adoptant au passage des attitudes et un comportement proches de ceux de Charlie Chaplin dans « Les Temps modernes », un film que nous ne tarderons pas à traiter dans ce même blog.
L’intégration du nouveau salarié passe par le service du personnel, dont le chef, M. Walter, lui expose les horaires de travail : de 8 h à 12 h et de 13 h à 18 h, l’heure de pause étant réservée au déjeuner. Le jour de repos est le dimanche, ce qui nous rappelle qu’à cette période, on travaillait aussi le samedi.
La matière première est constituée de différents objets en plastique, destinés au rebut, ce qui peut paraître surprenant pour un temps où les préoccupations environnementales étaient totalement étrangères. Ces déchets sont curieusement livrés par une charrette attelée à un cheval, concession faite à cette modernité ; c’est d’ailleurs par ce moyen de locomotion que M. Hulot quittera la fabrique accompagné de son jeune neveu, l’équipage emportant également une partie des « produits non conformes » générés par la négligence de cet oncle décidément inapte à intégrer cette société de la fin du 20ème siècle. En effet, chargé de surveiller un processus de fabrication, il finira par somnoler, bercé, il est vrai par le jet continu de vapeur continu d’une tuyauterie. La machine se dérègle, elle est prise de hoquets, au lieu du long et lisse boudin de caoutchouc, elle vomit un tube ponctué de turgescences, régulières au début tel un chapelet de saucisses, puis totalement difformes ensuite, malgré ou à cause de l’intervention de notre sympathique ouvrier. Un de ses collègues, portant comme la plupart des lunettes noires, un masque et des gants, est pris d’un fou rire, tandis que Pichard, vêtu d’une blouse blanche et que l’on pourrait apparenter à un directeur de production, se désespère et s’efforce de cacher le désastre à un client à qui le directeur est en train de faire visiter l’usine.
L’expérience ne durera donc pas plus d’une journée. De cette entreprise moderne, nous pourrons noter qu’elle est organisée selon le Taylorisme, avec un management très structuré que l’on retrouve dans l’organisation. Le directeur bénéficie par exemple de a propre place de parking. La Plastac dispose aussi d’un pool de secrétaire-dactylographes devant lequel M. Hulot passe alors  qu’il va rejoindre son poste de travail. Incorrigible, il ne manquera pas de jouer avec le chien du directeur, son beau-frère. C’est qu’à l’époque, il n’était pas rare de voir les dirigeants venir au bureau accompagnés de leur animal de  compagnie.


jeudi 7 janvier 2016

Le Social Climbing dans "Belle du Seigneur" d'Albert Cohen (1968)

Dans le monde des affaires, il est conseillé de se créer un réseau virtuel ou réel et de l'animer afin de développer son "business". Il en va de même pour trouver un emploi ou, pour les étudiants, pour décrocher le stage ou le job de leurs rêves. Au titre de l'IRL ("In real Life), les cocktails ou "pince-fesses" mondains dans le secteur économique sont une occasion rêvée d'augmenter son portefeuille de cartes de visite. Mais attention à ne pas pratiquer le "social climbing", cette attitude qui consiste à abandonner son interlocuteur comme une vieille chaussette sous prétexte d'apercevoir à l'autre bout du buffet, une personne plus titrée ou plus apte à faire avancer nos projets. Si un néologisme qualifie ce comportement de mauvaise éducation, il n'est en rien nouveau, puisque déjà, en 1968, Albert Cohen dans Belle du Seigneur le décrivait parfaitement :
Verres givrés en main et y contemplant les glaçons flottants, les invités importants étaient, selon leur tempérament, furieux ou mélancoliques lorsqu'ils étaient abordés ou happés au passage par un invité moins important et en conséquence inutile à leur ascension mondaine ou professionnelle.  Ils n'en supportaient l'improductive compagnie que provisoirement et en attendant mieux, c'est-à-dire la fructueuse prise de quelque supérieur.
Albert Cohen, Belle du Seigneur, 1968.