Si l'épreuve d'histoire-géographie et d'instruction civique du Brevet des Collèges millésime 2015 a fait couler beaucoup d'encre en raison du niveau déconcertant de facilité dont relevaient les questions, il a eu le mérite de sortir des archives historiques cette "chanson des loisirs" de 1936 écrite par Jean Villard-Gilles.
Si elle ne décrit en rien la vie de l'entreprise à l'époque du Front Populaire, elle reflète l'espoir apporté par les mesures sociales instituées par le gouvernement de gauche, avec entre autres la semaine de 40 heures et les congés payés qui apportent "un vent de liberté" et "une vie meilleure".
L'auteur compositeur helvétique, né à Montreux, aura ensuite une très belle carrière, navigant entre des thèmes sensibles comme l'argent, avec Dollar, ou écrivant des chansons de premier plan pour Edith Piaf, comme "Les Trois Cloches" et "l'Auberge de la Fille sans cœur",
Quant à nos collégiens, il leur suffisait de lire la date inscrite à côté du nom de l'auteur de cette chanson pour répondre à la première question de ce Brevet des Collèges.
Sur Jean Villard-Gille, voir ce site de la Radio Télévision Suisse
Au cinéma, au théâtre ou dans la littérature, le métier et le statut des protagonistes ou leur environnement professionnel peut avoir une incidence sur l'intrigue. Et parfois, c'est le monde de l'entreprise lui même qui fait l'objet du scénario. Volontation propose un panorama des conditions de travail dans la littérature, au théâtre, au cinéma, à la télévision ou dans la chanson ...
dimanche 25 octobre 2015
mercredi 21 octobre 2015
Manipulation psychologique en entreprise dans "Une étrange affaire", un film de Pierre Granier-Deferre (1981)
Si la réorganisation traitée dans
la fiction du réalisateur alors tout jeune prenait des accents humains, c’est quasiment un drame qui se joue dans la
fiction de son aîné. Celui-ci décrit avec une rare acuité, déjà en 1981, les
mécanismes de la manipulation psychologique exercée par un patron sur ses salariés
en général, et en particulier sur un jeune cadre, Louis Coline, figuré sous les traits de Gérard Lanvin.
Après le décès soudain du
directeur de l’enseigne « Les Magasins », un commerce de centre-ville
de type « Les Galeries Lafayette », un nouveau dirigeant, Malair
(Michel Piccoli) est nommé. Son arrivée suscite un climat anxiogène : on
ne donne pas son nom, ce qui laisse planer toutes les inquiétudes. On l’annonce à Bâle, puis à Madrid ou encore à Sarajevo, sa réputation s’accroit, la
rumeur enfle, il est même question de « charrettes » … A notre époque
et sous réserves de connaitre son identité, les salariés se seraient précipités
sur Internet pour « Googliser » le nom du futur patron, mais en 1981 …
Alors qu’on ne l’attend plus, il apparaît. Son comportement est irrationnel, Louis le trouve dans son bureau en
train de fouiller dans ses tiroirs ; il en extrait avec curiosité des tickets
de PMU ou de Loto. Le jeune homme se
présente, et Malair lui demande de ne pas faire état de cette première
rencontre. Mais à l’occasion du tour des services que le directeur ne manque
pas d'opérer, il montre clairement qu’il connait déjà Louis. Ce qui ne
manquera pas d’inquiéter le chef du service « Publicité » dans lequel
travaille le jeune homme. La relation très ambiguë se poursuit, le nouveau dirigeant
prend le jeune cadre enthousiaste sous sa coupe, indirectement d’abord, par
l’intermédiaire de ses bras droits, Paul, le directeur financier (Jean-FrançoisBalmer) et François (Jean-Pierre Kalfon) qui assure la fonction de chauffeur,
homme de confiance et garde du corps. Les 2 collaborateurs les plus proches de
Malair, d’une très grande complicité avec lui, s’attribuent le bureau de Louis
sur qui le travail de destruction psychologique se poursuit : le boss
court-circuite son chef et confie le plan publicité stratégique des
« Magasins » à Louis qui finit par se montrer flatté de cette
confiance. Le mécanisme de manipulation s’accélère, le patron se montre plus
direct, parfois trivial et demande à son jeune collaborateur une disponibilité
totale qui confine au harcèlement.
La mine de Louis change, on
perçoit chez lui la montée du stress bien qu’il persiste à s’enflammer pour son
nouveau statut. Fier de cette proximité avec le patron, un soir, en dehors des
heures de service, il emmène Nina (Nathalie Baye), son épouse, visiter le bureau que s’est fait
aménager le responsable. Alors que l’on annonce 2 licenciements dont celui
d’une salariée victime d’alcoolisme, Malair s’incruste encore plus dans la vie
privée de Louis. Il débarque un dimanche matin au bar où le jeune homme joue
aux courses en compagnie de l’un de ses amis, et le « kidnappe » sous
le prétexte fallacieux de travailler un dossier. La journée s’achèvera par un
dîner au cours duquel Louis rencontrera la faune bigarrée que compose la cour
de son gourou. Puis Malair débarque ensuite un soir pour dormir chez Louis et
Nina au motif que des travaux sont en cours d’achèvement à son domicile, allant
sans vergogne jusqu’à s’approprier la chambre du modeste appartement du jeune
couple et à s’accaparer la cuisine pour s’y préparer un en-cas.
Cette attitude excessive parait
totalement impossible dans la réalité, mais Granier-Deferre y a recours pour
analyser avec finesse le processus de manipulation psychologique, en s’appuyant par
exemple sur les perceptions et les réactions de Nina, l’épouse de Louis. Malair
essaiera d’ailleurs de la séduire, l’invitant elle et son époux pour un dîner
durant lequel il annoncera que le chef de Louis « les quitte », puis
offrant à la jeune femme une montre. Elle finira par prendre ses distances,
expliquant à Louis qu’elle « ne le quitte pas pour quelqu’un d’autre », mais « parce qu’il n’est plus personne ». Toujours
méfiante, elle essaiera de l’alerter, qualifiant Malair «d’abstrait, comme Dieu ».
Après le départ de Nina, Louis se
réfugie encore un peu plus dans le travail, et finit par s’installer chez son
patron, partageant son intimité avec François, obéissant aux caprices de Malair
qui le convoque par exemple dans sa salle de bains alors qu’il est en train de
se raser, totalement nu. Le mentor devient de plus en plus autoritaire, il prend
son collaborateur pour son larbin, puis un jour, il disparaît sans laisser de
traces, au grand désarroi de Louis
Coline, totalement désemparé. Ainsi que l’analyse judicieusement Guillemette Odicino dans Télérama, aujourd’hui, « on
verrait bien Louis Coline témoigner dans un documentaire sur le burn-out ou le
harcèlement en entreprise. Car Louis
Coline est comme mort. Frappé de stupeur parce que son patron, son
gourou, celui pour lequel il a tout sacrifié l’a abandonné. Fidèle à son poste,
il attend qu’il revienne … » Et la journaliste de poursuivre :
« Pourtant, cet employé désinvolte qui végétait au service publicité d’un
grand magasin n’avait a priori rien pour se transformer en disciple robotisé.
Sauf peut-être un vide à combler, une place à se faire ».
Il y a déjà plus de 30 ans Granier-Deferre anticipait les phénomènes de souffrance au travail avec des
comportements symptomatiques de surinvestissement, caractéristiques des « workalcoolics »
et le constat d’un manque de reconnaissance qui frappe les salariés, plus
particulièrement en France. Peu importe l’entreprise, le réalisateur ne nous
montre d’ailleurs pratiquement rien de ces « Magasins » dont on
sait seulement que le principal concurrent se dénomme « Les galeries »
et dont l’espace de vente sera montré qu’à une seule occasion.
Pour aller plus loin : l'article de Télérama
Pour aller plus loin : l'article de Télérama
vendredi 16 octobre 2015
L'usage des stupéfiants à l'usine dans une chanson des Charlots "T'es à l'usine Eugène" (1981)
Dix ans après leur grand succès de 1971, "Merci patron" que nous avons évoqué sur ce blog, les "Charlots" font à nouveau référence au monde de l'entreprise, plus précisément l'industrie, avec cet autre titre "T'es à l'usine Eugène". Dans la même veine que leur précédente chanson, mais sur un rythme reggae, le groupe populaire raconte les errements d'un collègue ouvrier, Eugène, qui semble moins préoccupé par "sa clé de douze" que par l'usage de produits stupéfiants "qui feraient flipper le Docteur Olivenstein". Ce psychiatre médiatique, spécialisé dans le traitement de la toxicomanie, que l'on voyait apparaître sur les écrans de télévision dès qu'il était question du sujet, de 1970 jusqu'à l'an 2000, était surnommé le "psy des toxicos".
Si, à l'époque, l'usage de drogue dans le monde professionnel n'était pas mentionné comme un phénomène répandu, beaucoup moins qu'actuellement, les symptôme ne laissent aucun doute . Eugène, affiche un "pupille incertaine", éclate de "rire comme une baleine"et "danse en bossant à la chaîne "ce qui altère la productivité : "Tu fais tomber la moyenne". Ce que le patron ne semble pas apprécier : "Le patron n'a pas l'air d'aimer tes confidences sur le reggae".
Comme leur précédent opus, et toujours sur un air léger, les "Charlots" nous plongent donc à nouveau dans le monde ouvrier sur un mode humoristique, à grand renfort de jeux de mots, sans aucune prétention.
Pour lire l'ensemble du texte de la chanson : "Tes à l'usine Eugène".
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