L’entreprise sert régulièrement de cadre à des œuvres de
théâtre (voir sur ce blog ). Dans
cette pièce de Yann Reuzeau, elle y occupe un rôle central, faisant même
l’objet d’une transformation au cours de son déroulement. Afin de nous immerger
rapidement au cœur de cette PME, les acteurs déambulent sur scène avant
même le lever de rideau. Ce sont les collaborateurs des services commerciaux et
administratifs de cette société qui intègre également une partie "production" qui
sera figurée par l’apparition régulière de la chef d’atelier, vêtue d’une
blouse bleue, qui fait aussi office de « syndicaliste de service ».
Ses collègues, fidèles aux codes de l’entreprise de la fin du 20ème siècle se
serrent la main pour se saluer et portent sous le bras des chemises cartonnées. Ils tiennent entre les doigts un gobelet de plastique
provenant de la machine à café certainement placée dans un des couloirs menant
aux bureaux, qui, par choix du metteur en scène, sont figurés par des
plateformes carrées encadrées en leurs angles par des piquets de fer, faisant
penser à de petits rings de boxe dont on aurait ôté les cordes. L’activité de
l’entreprise dont nous allons suivre l’évolution sur une vingtaine d’années n’est
pas clairement définie, la seule information qui nous est donnée est le nom du
produit phare, le « MacGuffin», référence faite au maître Hitchcock.
Un événement lance l’action : contre toute attente, le
jeune dirigeant annonce qu’il va céder sa société à l’un de ses concurrents.
Les salariés en profitent pour la racheter et la transformer en SCOP (Société
coopérative et participative), une forme juridique dans laquelle ce sont les
salariés qui en sont les associés, donc les propriétaires. Elle reprendra
son organisation originale à la fin de la pièce après avoir rencontré un franc
succès, traversé la crise, mais aussi, essuyé un incendie. L’intérêt de
« Mécanique instable » est de montrer la réaction des différents
personnages devant des situations et
leur évolution en fonction des événements. La peur d’un avenir incertain,
l’inquiétude, la déception, ou l’indignation face à ce qu’ils considèrent comme
une trahison pour certains qui sont devenus les amis de leur patron. Puis
l’intérêt et la curiosité, la motivation quand une des salariées propose de
reprendre l’entreprise sous forme d’une SCOP. Puis la lâcheté voire la
cruauté quand il s’agit de licencier un
« collègue-associé ». L’ambition et l’opportunisme dont ne manquera
pas de démontrer une intérimaire de la comptabilité qui arrivera jusqu'au
sommet de la hiérarchie.
Dans le registre des conditions de travail, la plupart des
situations rencontrées dans le monde de l'entreprise sont évoquées : la
maladie, les pathologies plus graves et les arrêts de longue durée, le stress voire
le burn-out, les difficultés à concilier vie de famille et travail,
l’opposition entre « les ateliers et les bureaux », la
discrimination, l’atteinte du seuil d’incompétences et la quête du sens dans le
travail exprimé par des commentaires comme « travailler c’est juste un
moyen mais on y passe les ¾ de sa vie ».
Si des éléments stratégiques sont également abordés, comme la nécessité « d’augmenter la production pour permettre l’exportation », il est aussi question d’obsolescence programmée, c’est sur l’approche du statut de SCOP que cette pièce est la plus remarquable. Particulièrement bien documentée, elle en intègre toutes les dimensions. Sur l’aspect structurel, en expliquant que les « salariés-actionnaires » sont propriétaires de leur outil de travail, qu’ils prennent part aux décisions de l’entreprise et se partagent les bénéfices de l’activité ou décident de les réinvestir pour en favoriser le développement. Sur le plan humain, les interrogations ou les commentaires des salariés semblent plausibles ; « on paie pour travailler ? » se demande un cadre quand on lui propose d’acheter des parts de l’entreprise, pendant que les ouvriers hallucinent car « ils seront les patrons des cadres » ou qu’ils jubilent en s’apercevant qu’ils cumulent salaire et dividendes dans la période la plus faste de leur société : « on a gagné au loto ! ».
Si des éléments stratégiques sont également abordés, comme la nécessité « d’augmenter la production pour permettre l’exportation », il est aussi question d’obsolescence programmée, c’est sur l’approche du statut de SCOP que cette pièce est la plus remarquable. Particulièrement bien documentée, elle en intègre toutes les dimensions. Sur l’aspect structurel, en expliquant que les « salariés-actionnaires » sont propriétaires de leur outil de travail, qu’ils prennent part aux décisions de l’entreprise et se partagent les bénéfices de l’activité ou décident de les réinvestir pour en favoriser le développement. Sur le plan humain, les interrogations ou les commentaires des salariés semblent plausibles ; « on paie pour travailler ? » se demande un cadre quand on lui propose d’acheter des parts de l’entreprise, pendant que les ouvriers hallucinent car « ils seront les patrons des cadres » ou qu’ils jubilent en s’apercevant qu’ils cumulent salaire et dividendes dans la période la plus faste de leur société : « on a gagné au loto ! ».
Ils seront confrontés à des décisions qu’ils n’avaient pas
envisagées, comme de choisir un gérant pour leur structure ou de devoir
licencier le commercial, un de leurs collègues-associés, provoquant une lutte
des clase au sein de la SCOP . Cette aventure sera aussi l’occasion de révéler
les personnalités et les valeurs cachées, plus ou moins nobles des différents
personnages. Une secrétaire, par exemple, se lancera avec passion dans le
projet et finira par rejoindre l’URSCOP, l’Union Régionale des SCOP . Le fait de
citer cet organisme montre une fois encore la qualité de la recherche documentaire
réalisée pour l’écriture de cette pièce.
Mécanique instable - Une pièce écrite et mise en scène par Yann Reuzeau avec Emmanuel de Sablet, Sandrine Molaro, Morgan Perez, Sacha Petronijevic, Leïla Séri, Sophie Vonlanthen - Manufacture des Abbesses - Scénographie : Philippe Le Gall - Lumière : François Leneveu.
Mécanique instable - Une pièce écrite et mise en scène par Yann Reuzeau avec Emmanuel de Sablet, Sandrine Molaro, Morgan Perez, Sacha Petronijevic, Leïla Séri, Sophie Vonlanthen - Manufacture des Abbesses - Scénographie : Philippe Le Gall - Lumière : François Leneveu.
- Sur les SCOP, voir également cet article sur ce même blog
- Visualiser la bande annonce
- Voir des extraits de "Mécanique instable"
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