samedi 28 juin 2014

"Des vivants et des morts" : une fresque sociale de Gérard Mordillat autour d’une fabrique de fibre plastique.

La diffusion sur Arte de cette mini-série en 8 épisodes, "Des vivants et des morts", remonte à mai 2012. Faute d’avoir lu le livre, nous pouvons raisonnablement penser qu’elle respecte fidèlement l’œuvre dont elle est tirée puisque c’est Gérard Mordillat qui l’a adaptée lui-même à partir de son propre roman (Les vivants et les morts - Calmann Lévy 2005)
L’histoire est plausible, nous découvrons une entreprise industrielle assez classique, une fabrique de fibres plastiques la K.O.S. dans laquelle les salariés sont impliqués au plus haut point. Ils iront jusqu'à risquer leur vie pour sauver leur outil de travail suite à une inondation. Avec certes, un soupçon de romanesque, mais c’est le parti pris de l’auteur pour montrer ce degré d’investissement des ouvriers. Les différents protagonistes sont correctement installés dans leurs rôles, les acteurs sont convaincants, Robinson Stévenin en tête. Le réalisateur ne nous donne pas à voir des caricatures de personnage.
Les premières scènes permettent d’évaluer les stratégies des différentes classes sociales au travers de leurs représentants : actionnaires, dirigeants ou salariés. Car toute la trame s’articulera autour de  la réduction d’effectifs, avec d’inévitables licenciements à la clé, voire de la fermeture pure et simple de l’unité de production. Un événement qui touche Rudy (Robinson Stévenin) dont l’épouse Dallas doit effectuer des heures de ménages chez un médecin pour que le couple puisse s’en sortir. En effet, pour faire face aux dépenses et au remboursement du foyer, le  salaire de son mari ne suffit pas. Ce dernier refusera un poste de maîtrise dans la nouvelle organisation, ce que s’empressera d’accepter son meilleur ami à qui le poste est ensuite proposé. La trahison, donc, mais aussi la peur avec la situation difficile d’une autre salariée, une jeune femme dont le mari est en « longue maladie », et qui voit s’abattre sur elle la menace d’une perte de revenus.
Sans abandonner totalement le parcours des protagonistes, la suite de la série prendra un tour davantage politico-financier, avec le rachat de la K.O.S. par un groupe américain, une délocalisation et la mise en relief très réaliste de l’impuissance des élus ou des institutions, Maire, Préfecture, Direction du travail … face aux lobbies financiers.
Les salariés se replieront alors dans un état de résistance proche d’un état de guerre qui aboutira à une prise d’otages au sein du site de production.
Sur un plan sociologique, Gérard Mordillat décrit aussi les mécanismes qui, en période de crise, conduisent à la xénophobie et au racisme.
Une série réussie, on pourra seulement regretter quelques excès dans le scénario, à l’instar de ce Directeur Général qui, par amour pour une salariée, quitte sa femme et ses filles, dont l’une d’elles est tombée enceinte à la suite d’une relation avec un apprenti de l’entreprise.

Pour retrouver un bref résumé des 8 épisodes, voir le site d'Arte.

L'univers des grands magasins dans "Riens du tout" de Cédric Klapisch (1992)

Dans « Riens du tout » (1992), Cédric Klapisch, alors tout jeune réalisateur, nous plonge dans l’univers des grands magasins. La situation des « Grandes galeries » est peu reluisante, un directeur est donc recruté pour redresser la situation à l’échéance d’un an. Sans tomber dans la caricature, la critique du monde des grands magasins d’un côté, et celle des nouvelles théories managériales sur autre plan, sont assez justes.
Le nouveau dirigeant, M. Lepetit, interprété par FabriceLucchini, commence par s’immerger afin de susciter la confiance de ses collaborateurs, puis met en place un plan d’actions, aidé de consultants.
Les salariés sont pour certains réfractaires, « tu me vois prendre des cours ? » ou plus ouverts, « mais si, c’est bien ! », ou bien défendent leur statut de démonstratrice ou de vendeur(se).
Des conflits naîtront de la mise en œuvre de la nouvelle organisation, accentués par la position des syndicalistes qui s’indignent par exemple qu’un étudiant en DEES de marketing,  ne soit pas rémunéré au titre de son stage, alors que lui-même ne s’en plaint pas.
Le dirigeant essaiera de resserrer la cohésion entre ses salariés au travers d’actions collectives comme la création d’une chorale ou l’organisation d’un séminaire de « team building » dont le point d’orgue sera un saut à l’élastique pour l’ensemble des salariés ; l’un d’entre eux refusera l’ épreuve.


D'autres actions viseront à augmenter la performance commerciale. En effet, le jeune manager découvre que certains employés, certes en fin de carrière, se désintéressent complètement des clients et de leurs préoccupations.  Une situation plutôt rare de nos jours dans ces grandes enseignes de la distribution de centres villes. Il développera aussi les animations commerciales en magasin, respectant ainsi les règles du commerce moderne.
Il usera de procédés moins glorieux pour promouvoir son enseigne ; il s’empressera par exemple d’affubler l’un de ses salariés chargé de nettoyage d’un tee-shirt à ses couleurs, à l’issue d’un marathon que celui-ci vient de remporter.
Les efforts de notre « manager de transition », dirait-on aujourd'hui, seront vains car la décision de fermer le magasin était prise dès le début par le Conseil d’administration, qui cherchait en fait à développer les ventes pour financer le plan de licenciement.


samedi 14 juin 2014

Une incohérence dans un film de Robert Guédiguian : "Les neiges du Kilimandjaro"

Ce film de Robert Guédiguian (2011) prend corps dans les locaux de la CGT d'une entreprise située à proximité du port de Marseille. La situation est totalement irréelle, d'un point de vue légal, puisqu'elle montre un représentant syndical qui égraine les noms de ceux de ses collègues tirés au sort qui seront victimes du plan de licenciement.
Parmi ceux-ci, Michel, lui aussi responsable de la CGT, qui à l'occasion de ses 30 ans de mariage se verra remettre une somme d'argent destinée à financer un voyage en Tanzanie. Une nouvelle lune de miel qui ne se fera pas puisque Michel et son épouse Marie-Claire (Jean-Pierre Darroussin et Ariane Ascaride) ainsi qu'un couple d'amis qui se trouvent à leur domicile se verront pris en otage et agressés par des malfrats dont l'un d'eux inspirera la compassion après que notre couple l'ait identifié.
Si la trame narrative interpelle sur les points de vue respectifs des victimes et des agresseurs, elle part donc d'une situation totalement fictive puisque seule la direction de l'entreprise peut dresser la liste des salariés licenciés, en se basant sur des éléments objectifs.