vendredi 25 octobre 2013

"Surveillance" : un téléfilm de France 2 au coeur de la sécurité dans un hypermarché

C'est d'un roman de Régis Serange que Sébastien Grall a adapté ce téléfilm, "Surveillance" qui se déroule en grande partie dans les parties cachées d'un hypermarché. L'histoire est captivante, bien que comme l'écrit  Hélène MARZOLF dans Télérama "le scénario s'emberlificote en accélération et prises de conscience peu crédibles, jusqu'à un dénouement expéditif et héroïque" qui transforme "cette critique de la société du flicage en épilogue de polar banal".
La trame prend corps avec l'embauche de PierreThomas Jouannet) en qualité d'agent de sécurité au sein de l'hypermarché ENO Center. Il sympathise avec Léa (Léonie Simaga) qui deviendra sa maîtresse, bien que toute relations entre employés soit interdite. Puis avec son zèle empreint d'intégrité, il gravira tous les échelons de la hiérarchie du service pour prendre le poste de responsable adjoint de la sécurité, en bénéficiant de la bienveillance de son supérieur judicieusement interprété par François Berléand. Notre jeune recrue, à qui l'entreprise tarde à délivrer son contrat de travail et qui lui verse des primes en espèces sonnantes et trébuchantes, des pratiques qui n'ont normalement plus cours dans la grande distribution, mettra à jour un trafic d'échange d'appareils d'électroménager, auquel participent des salariés et dans lequel trempe le Directeur Général Adjoint (Alexandre Steiger). Mais son chef lui demandera de ne pas révéler l'affaire, puisque lui est aussi est complice de ce remplacement d'articles de de contrefaçon, les appareils neufs étant écoulés par une entreprise dirigée par l'épouse de Sauveterre, le Directeur Général Adjoint.
Pierre devra également assurer une surveillance rapprochée sur la personne du Directeur Marketing (Francis Perrin), syndicaliste, qui, acculé, mettra fin à ses jours dans une chambre d'hôtel lors d'une tournée auprès des fournisseurs.
Réaliste ou non, cette référence aux conditions de travail n'est pas laseule dans ce téléfilm. La surface de vente n'est pratiquement pas montrée, sauf au travers du prisme de l'objectif des caméras de surveillance. ce sont donc les parties obscures du magasin qu'il est nous est permis de  voir : salle de contrôle, lingerie, bureaux de la direction et réserves. Evidemment, ce sont les la sécurité et le contrôle qui sont mis en avant, les relations entre hiérarchie et subalternes apparaissent rudes, froides, c'est un management très directif qui est adopté. Le responsable sécurité est du type "old school", espérons-le, décomptant par exemple les pauses pipis du temps de travail. Il ne recule devant rien pour faire baisser le taux de démarque, c'est à dire le pourcentage de Chiffres d'Affaires parti en perte ou en vol : surveillance poussée au harcèlement, pression, implantation de caméras dans les toilettes du personnel féminin ... Il passe son temps dans son bureau à contrôler et à vider sa bouteille de whisky.
Le Directeur Général Adjoint, quant à lui, va jusqu'à cacher de l'argent dans les affaires d'une hôtesse de caisse pour exercer un chantage et lui imposer une relation sexuelle. Le travail de ces "caissières" est survolé, seul le fameux SBAM, la formule mnémotechnique "Sourire-Bonjour-Au revoir Merci" revient à plusieurs reprises. il est par ailleurs surprenant de trouver la fonction de Directeur Marketing dans un magasin, même de taille imposante, d'autant plus qu'il démontre de la sympathie, voire de la complicité avec les fournisseurs, ce qui n'est pas la règle dans la Grande Distribution. Et le référencement et les négociations sont plutôt l'apanage des managers de rayons. Des concessions faites à la réalité au service du scénario de cet excellent téléfilm qui fait penser à Marie-Line, un film traité dans ce blog qui abordait entre autres des relations dans une équipe de nettoyage affectée à un supermarché.

lundi 21 octobre 2013

"La Fabbrica" : une pièce de théâtre d'Ascanio Celestini

La "Fabbrica" est une pièce appartenant à un genre à part, le  théâtre-récit.  Dans la lignée de Dario Fo, l'auteur, Ascanio Celestini, décrit "le vécu physique de l'usine", au travers d'histoires ou de luttes syndicales, mais aussi l'apprentissage par l'observation et la répétition des gestes. L'ouvrier n'est pas capable d'expliquer son métier à l'aide de paroles,c'est son corps qui le vit et le mémorise. C'est donc par des gestes et des attitudes qu'il peut l'exprimer.
Ascanio Celestini, lui-même fils d'ouvrier, dresse aussi  un panorama de la réalité industrielle et politique de l'Italie du 20ème siècle, au travers de l'histoire des travailleurs que sont le chef manœuvre amputé d'une jambe, son père et son grand-père, tous trois prénommés Fausto, ou du patron de l'usine. Autour d'un haut fourneau et de ses températures insupportables, la légende de l'industrie se construit : "Celle de l'origine où les ouvriers étaient forts comme le bronze et hauts comme les géants; celle des ouvriers aristocratiques rendus indispensables à la production jusqu'à être exemptés du service militaire durant la Grande Guerre et tolérés par le régime fasciste malgré leurs idées communistes ou anarchistes; et enfin la période contemporaine avec une usine qui réduit le nombre de ses travailleurs." (Source : www.théatre-contemporain .net).

Ascanio Celestini à la foire du livre de Turin en 2008 (Wikipedia.fr)


mardi 15 octobre 2013

15 jours ailleurs : un téléfilm avec Didier BOURDON sur France 2

C'était mercredi dernier, le 09 octobre 2013, France 2 proposait une soirée sur le thème "Burn Out : quand le travail nous fait craquer". Pour illustrer le sujet, et lancer le débat animé par Benoît DUQUESNE, il nous était proposé de voir un téléfilm de Didier BIVEL, "12 jours ailleurs", avec pour les 2 rôles principaux, Didier BOURDON et Judith CHEMLA. Le premier y interprète un acheteur omnipotent et manipulateur d'un hypermarché, qui, subitement, est lui-même victime d'un jeu de chaises musicales qui lui fera perdre son pouvoir, donc sa raison d'exister, et le fera tomber dans une grosse dépression que l'on qualifiera de "burn-out". Le phénomène n'est pas ici seulement lié à un surinvestissement dans le travail, mais autant à une perte de pouvoir. Et très certainement à un manque de reconnaissance, que Vincent, le personnage joué par l'ex "Inconnu", trouvera finalement en apportant son aide à une malade mentale, Hélène, qu'il rencontrera lors de cette période de 2 semaines de convalescence qu'il effectue en clinique psychiatrique.
Cette fiction nous délivre peu d'éléments sur les situations professionnelles et les conditions de travail. Si quelques scènes se déroulent en entreprise, ou sur les sites de fournisseurs que cet acheteur s'acharne à étrangler, au mépris de tout respect humain, l'essentiel de la trame se déroule au sein de l'établissement médical ou dans le foyer de ce cadre mis au ban du monde du travail. L'épouse, incarnée par Agathe DRONNE, assurera un rôle clé dans la reconstruction de Vincent, comme souvent dans la réalité, pour peu que la victime parvienne à s'épancher et à dépasser l'opprobre qui s'abat sur lui.
Les deux principaux interprètes de ce téléfilm ont obtenu une récompense au festival de Luchon pour leur interprétation.

samedi 12 octobre 2013

"Precario È Il Mondo" : Une chanson italienne de Daniele Silvestri sur la futilité du travail en Italie (2010)

Dans cette chanson de 2010, au rythme entraînant, Daniele SILVESTRI exprime d'abord sa désillusion pour "la petite botte", c'est à dire l'Italie, qu'il ne veut plus habiter, mais surtout pour l'inutilité du travail dans sa patrie : " Mon travail est inutile, futile même, déplaçable, remplaçable, régulièrement rançonné ... mon travail est fait de plastique qui peu à peu me vole l'âme ...".
Le premier couplet se poursuit, le ton se durcit : " le travail rend noble, je ne sais pas, peut-être, mais il rend certainement libre de se suicider, et moi je me suis brisé, je me suis brisé, je n'ai plus envie d'habiter la botte, ça n'a plus de sens de rester" ; il continue en remerciant, toutefois, "merci pour tout" et avant d'enchaîner avec le refrain, il conclue ce premier couplet "j'attends encore la fin du mois et j'arrête".
Mais pourquoi attendre la fin du mois, est-on en droit de se demander, puisque l'issue semble malheureusement fatale ?
Le refrain aborde un champ plus politique ou philosophique, "Le monde est précaire, la terre que je foule est flexible", un vocable qui n'est pas sans rappeler la mondialisation et ses effets, "la nuit est atypique, la poussière qui se soulève volatile ... la glace qui fond n'est pas pérenne, l'air non plus, il s'épuise, la seule incertitude est Quand".



Le second couplet continue dans un registre politique, puisque "Le monde est précaire, même si c'était normal, cette botte me semble encore plus précaire, elle s'effondre dans un tas de saletés, et ceux qui l'ont compris s'en vont". Puis, pour descendre sur les conditions de travail de manière plus précise, il prend à partie un individu, lui-même peut-être "toi au contraire, tu ne l'as pas compris et tu serres les dents derrière un bureau sans même avoir le temps de regarder dehors pour voir que toutes les couleurs changent et tout autour de toi, les gens s'agitent, bougent toujours". C'est alors l'impuissance qui est exprimée "Quelqu'un crie, mais personne n'entend cette protestation, il n'y a pas de futur à défendre, il y a seulement le présent, et encore à sauver il n'y a rien ou presque, mon amour, je ne résiste pas, je voudrais te convaincre de me rejoindre mais je n'y parviens pas, et je n'insiste pas". La fin de ce deuxième couplet verse dans le tragique, "toi, tu réussis encore à ne pas voir que le mauvais côté,  moi au contraire, j'y ai renoncé, je dois m'en aller, merci pour tout".
Enfin, entre la répétition des 2 derniers refrains, s'intercale un couplet restreint, en forme de jugement dernier, porteur d'espoir ou de désespoir éternel : "Et alors le temps s'arrêtera, à l'improviste, et qui s'aimait pourra s'aimer pour toujours, Et alors le temps s'arrêtera, à l'improviste et qui se détestait se détestera pour toujours".

Le texte original en italien :

Mi sono rotto, io mi sono rotto,
non ho più voglia di abitare lo Stivaletto
non ha più senso rimanere grazie di tutto
aspetto ancora fine mese poi mi dimetto
Tanto il mio lavoro è inutile, diciamo futile
essenzialmente rimovibile, sostituibile, regolarmente ricattabile
il mio lavoro è bello come un calcio all'inguine dato da un toro
il mio lavoro è roba piccola fatta di plastica
che piano piano mi modifica, mi ruba l'anima
dice “il lavoro rende nobili” non so può darsi,
sicuramente rende liberi di suicidarsi
e io mi sono rotto, io mi sono rotto,
non ho più voglia di abitare lo Stivaletto
non ha più senso rimanere grazie di tutto
aspetto ancora fine mese poi mi dimetto

Precario il mondo precario il mondo
flessibile la terra che sto pestando
atipica la notte che sta arrivando volatile la polvere che si sta alzando
Precario il mondo precario il mondo
non è perenne il ghiaccio che si sta sciogliendo, non è perenne l'aria e si sta esaurendo
e d'indeterminato c'è solo il Quando

Precario il mondo si finchè è normale
ma sembra ancora più precario questo stivale
che sta affondando dentro un cumulo di porcheria
e quelli che l'hanno capito vedi vanno via
e invece tu non l'hai capito, non l'hai capito
e stringi i denti dietro un tavolo dentro a un uffficio
senza nemmeno avere il tempo di guardare fuori
così non vedi che già cambiano tutti i colori
e intorno a te la gente si agita si muove sempre
qualcuno grida è una protesta che nessuno sente
non c'è un futuro da difendere solo il presente
e anche di quello di salvabile c'è poco o niente
amore mio non ci resisto, io non ci resisto
vorrei convincerti a raggiungermi ma non insisto
tu riesci ancora a non vedere solo il lato brutto
io invece ho smesso devo andare, grazie di tutto.

Precario il mondo precario il mondo
flessibile la terra che sto pestando
atipica la notte che sta arrivando volatile la polvere che si sta alzando
Precario il mondo precario il mondo
non è perenne il ghiaccio e si sta sciogliendo, non è perenne l'aria e si sta esaurendo
e d'indeterminato c'è solo il Quando

E allora il tempo si fermerà, improvvisamente e chi si stava amando potrà
amarsi per sempre
E allora il tempo si fermerà, improvvisamente e chi si stava odiando dovrà
odiarsi per sempre

Precario il mondo precario il mondo
flessibile la terra che sto pestando
atipica la notte che sta arrivando volatile la polvere che si sta alzando
Precario il mondo precario il mondo
non è perenne il ghiaccio e si sta sciogliendo, e non è perenne l'aria e si sta esaurendo
e d'indeterminato c'è solo il Quando