vendredi 11 mars 2011

Les conditions de travail dans la littérature : Les heures souterraines (Delphine de Vigan)



Si le harcèlement moral dans un contexte professionnel a été démonté par des psychiatres à l’image de Marie-France HIRIGOYEN, il n’est que rarement traité dans la fiction. Les comportements exposés par Amélie NOTHOMB dans « Stupeurs et tremblements » n’ont rien d’excusables, mais, teintés d’une culture nippone, ils ne reflétaient pas exactement ce que l’on dénote dans notre monde occidental.
La première à s’y essayer avec succès est Delphine de VIGAN, experte du monde du travail, qui non seulement ambiance son roman dans l’entreprise, mais qui a choisi pour trame de "Les heures souterraines" un processus de harcèlement moral. La victime en est Mathilde, l’assistante d’un Directeur Marketing international, qui, parce qu’un jour elle émet banalement pense-t-elle, une réserve sur la stratégie de son manager, se trouve entraînée dans une spirale silencieuse et inflexible « qui n’aurait de cesse de la faire plier ».
Un phénomène qu’elle subit, qui lui fait perdre le sommeil, et qu’elle n’arrive pas à expliquer à son entourage. Quand elle en parle à ses enfants en adoptant un langage qu’elle croit qu’ils pourront appréhender, elle se rend compte qu’elle raconte « une histoire de schtroumpfs barbares s’entre-tuant en silence dans un village retiré du monde ». Le romanesque de la trame se loge aussi dans le récit de la trajectoire d’un médecin urgentiste que Mathilde rencontrera, mais dans quelles circonstances ?
Quant à la partie scientifique, Delphine de VIGAN, selon Bernard LEHUT de Courrier Cadres, « brosse un tableau remarquable tant du point de vue littéraire que sociologique ».
La jeune femme explique au cours d’une interview, que son expertise provient d’une expérience de 15 ans passés au sein d’un département spécialisé dans l’observation sociale d’un institut de sondage. Elle y assurait pour le compte de grandes entreprises, des enquêtes de climat social, des baromètres sociaux, des études sur les modes de management ou sur les procédures d’évaluation professionnelles. Pendant cette période, elle a pu constater des cas de harcèlement, dont le principal problème est justement qu’ils sont rarement identifiés. Elle ajoute que l’entreprise, si elle peut être un espace « d’épanouissement, de créativité et d’effort collectif, elle est aussi un terreau propice à la violence et à l’impunité.
Les principales victimes de ce harcèlement en ressortent dégradées, mais leurs auteurs aussi, et ceux qui dans l’entourage se taisent, également. A la fin, c’est toute l’entreprise qui en souffre. Le harcèlement n’est malheureusement pas rare, en raison de la pression des objectifs, de la mise en compétition des salariés qui font de l’entreprise un lieu de souffrances, car un lieu privilégié « de mise à l’épreuve de la morale, d’abus de pouvoirs ». On ne sait pas si Delphine de VIGAN a subi elle-même au cours de sa carrière professionnelle un quelconque harcèlement, elle en est désormais préservée, puisqu’elle a abandonné son poste pour se consacrer entièrement à l’écriture. Elle avait rédigé ses 4 premiers romans la nuit, une fois son travail terminé, et rêvait de pouvoir « écrire au grand jour ».

Bibliographie



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