samedi 26 mars 2011

Accident du travail en Italie : le célèbre chanteur Adriano CELENTANO s'engage contre les "morts blanches"

Accidents du travail : l’Italie frappée par « les morts blanches »

#01 A la radio
#02 Dans la presse écrite
#03 Les morts blanches, un sujet qui n’est pas nouveau


# 01 A la radio
Le phénomène a une importance telle que les italiens lui ont donné un nom : « les morts blanches ». Il est ainsi baptisé en raison du silence qui le caractérise, et concerne les trop nombreux décès intervenus suite à un accident de travail. L’Italie en déplore plus de 1 000 chaque année, et rien ne semble changer malgré une campagne de sécurité destinée à choquer. Elle met en scène un homme qui dit « au revoir » à son fils, une dernière fois avant de partir au travail.
Nos voisins attendent cependant beaucoup du procès qui s’est ouvert à Turin le 15 janvier dernier, suite à un incendie survenu dans une usine ThyssenKrupp de la région, et qui aura coûté la vie à 4 personnes. Cette affaire constitue un symbole des accidents du travail, phénomène de société, et elle met face à ses responsabilités l’administrateur délégué de Thyssen, jugé pour homicide volontaire, ainsi que 5 autres personnes, également inculpées pour homicide.
C’est une décision historique selon l’une des victimes du drame, actuellement en soins psychiatriques, qui explique que l’équipe avait fait ses 8 heures, mais, en raison d’une erreur de planning, ou pour une autre raison, l’équipe de relève ne s’est pas présentée à l’heure convenue. Selon le règlement en vigueur, les salariés en poste ont l’obligation de remplacer les collègues, bénéficiant alors ensuite d’une journée de récupération.
L’affaire Thyssen a suscité une grande émotion, elle impose de revoir les choses. Elle rappelle le drame du Moulin de Fassano toujours près de Turin, qui avait fait 5 morts ; et Thyssen n’a rien changé.

Dans l’analyse des causes, la responsabilité de l’entreprise est souvent écartée ; on évoque la fatalité. Antonio BOCCUZZI, victime de l’incendie de Turin, est suivi par un psychiatre. Le drame de l’aciérie l’a convaincu de se lancer dans la politique pour lutter contre ces « morts blanches », ainsi qu’elles sont appelées en Italie. Il recommande de ne pas parler de mort blanche, « car il n’y a rien de blanc dans la mort d'un travailleur ».
Paola AGNELLO, secrétaire confédérale de la CGIL, estime que chaque accident est prévisible et espère que la responsabilité de l'entreprise sera engagée. Sans pour autant tomber dans la persécution des employeurs.
Le journaliste de France Inter, Eric VALMIR, correspondant permanent à Rome, invoque aussi d’autres causes, comme le nombre d’heures travaillées, mais aussi l’économie souterraine. Paola AGNELLO considère qu’il ne faut pas sous-estimer les maladies professionnelles, les risques cancérigènes, l’amiante.
Pour lutter contre l'économie souterraine, les moyens manquent, il n’y a pas assez d’inspecteurs du travail. Certes, précise Eric VALMIR, tout existe, les lois, les structures …, mais, par exemple, les inspecteurs ne sont pas rattachés au Ministère du travail. Et il n’y a que 1 900 techniciens, c’est insuffisant ; un contrôle intervient en moyenne tous les 33 ans, alors que la durée de vie moyenne d’une entreprise est de 12 ans.
Il faut faire de grandes choses, la vague émotive est telle que le Président de la République, Giorgio NAPOLITANO a déclenché une alarme sociale, publique et privée.
Une nouvelle campagne de communication ne plait pas à la CGIL, l’un des principaux syndicats du pays, car elle demande aux travailleurs d’être plus attentifs, alors que le syndicat considère que c’est bien l’entreprise qui est responsable, il ne faut pas transférer cette responsabilité sur les ouvriers.
De leur côté, les entreprises se défendent, en arguant qu’elles sécurisent leurs entreprise, qu’elles font le maximum.


# 02 Dans la presse écrite
De son côté, Entreprises et Carrières, qui traite également de ce qui restera « l’affaire Thyssen », revient sur la campagne nationale de communication, lancée le 07 octobre dernier, 5 jours avant la journée nationale consacrée aux accidents du travail, instituée il y a 58 ans.
Le défaut de prévention remonterait au boom économique des années 60/70, qui a vu de très nombreuses embauches dans les secteurs de l’industrie et du bâtiment, sans aucune culture du travail et de la prévention en termes de sécurité. C’est du moins la théorie avancée par Pietro MERCANDELLI, Président de l’ANMIL, association nationale des mutilés et invalides du travail, pour expliquer les bilans médiocres de nos cousins transalpins en matière d’accidentologie.
Tout comme Eric VALMIR, de France Inter, Anne Le NIR, correspondante du magazine à Rome confirme que le cadre règlementaire « n’a rien à envier aux autres pays européens », comme la Grande Bretagne qui observe un taux de mortalité six fois moindre qu’en Italie.


Mais c’est dans leur applications que les lois font défaut, même si le nombre d’inspecteurs est de 3500 pour 6 millions d’entreprises, le risque pénal pour l’employeur est infime, en partie à cause de la complexité du système judiciaire.
C’est la même carence d’application qui touche les décisions prises par l’ex-gouvernement PRODI, qui instaurait de nouvelles obligations dans le cadre des appels d’offres, et esquissait une sensibilisation dès la formation initiale.
Entreprises et Carrières met aussi en exergue la négligence des salariés eux-mêmes, qui n’utilisent pas toujours les équipements de sécurité mis à leur disposition, et le manque de formation amplifie les risques.
Des risques que ne peuvent pas toujours refuser des ouvriers parfois en situation irrégulière, jusqu’à 60 pour cent sur certains chantiers, commente Rita CHIAVARELLI, qui dirige l’INAIL, institut national pour l’assurance contre les accidents de travail. Cette structure indemnise les victimes et leur famille, selon un système en vigueur depuis 1965 qui ne leur permet pas de vivre dans des conditions décentes. La revalorisation de cette assistance qui bénéficie à 130 000 veuves ou orphelins et 800 000 invalides, est l’un des chevaux de bataille de l’ANMIL, appuyé par les syndicats ; les autres revendications portent sur l’accroissement du nombre d’inspecteurs et l’intensification des contrôles.
Mais pendant ce temps, comme conclue Anne LE NIR, le macabre décompte continue : 6 personnes dans diverses entreprises d’agriculture, de menuiserie, du bâtiment, de transport et sur l’autoroute sont décédées au travail les 10 et 11 novembre dernier, puis le 14 un ouvrier de FIAT subissait le même sort à CASSINO, et un autre en Lombardie sur un chantier de construction.
Sources : France Inter« Et pourtant elle tourne » du 26/11/2008 – Entreprises et Carrières du 25/11/2008 .


#03 Les morts blanches, un sujet qui n’est pas nouveau


Le showbiz italien se mobilise contre « les morts blanches », à l’image d’Adriano CELENTANO. En août dernier, le célébrissime chanteur a rejoint l’association Articolo 21 qui lutte contre ces « morts blanches ». L’artiste, à l’occasion du dernier festival du film de Venise, a ressorti son film de 1975, « Yuppi Du », qui prenait déjà position contre des conditions de travail inacceptables. Celentano déplore que « 33 ans après, la situation n’a fait qu’empirer ». Venise était aussi le point de départ d’une caravane, affrétée par Articolo 21, qui a parcouru une partie de l’Italie, en s’arrêtant dans des villes symboles de la lutte contre les accidents du travail, souvent le théâtre de décès d’ouvriers. La Mostra a également programmé dans la section « Orizzonti » « La fabbrica dei tedeschi » (l’usine des allemands) de Mimmo Calopresti, réalisateur de premier plan, et « Thyssenkrupp Blues » de Pietro Balla et Monica Repetto, un autre documentaire. Ces deux films traitent de la tragédie survenue à Turin, alors que le « Yuppi Du» du chanteur transalpin explorait les conditions de travail de la grande zone d’activités portuaires, chimiques et pétrolières de Marghera, une commune limitrophe de Venise.
Les syndicats italiens, CGIL, CISL et UISL en tête, se sont réjouis de cette mobilisation qui vise à faire de leur pays une nation à l’avant-garde en matière de sécurité de travail.

Source : La Repubblica Fernando Cotugno – 11/08/2008

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